Spiritualité d'en bas



Anselm Grün est moine bénédictin et prieur de l'abbaye de Münsterschwarzach (à vos souhaits;-), en Bavière. Il tente dans ses livres de faire le lien entre foi et psychologie. Son ouvrage, Spiritualité d'en bas, paru en 2012, nous invite à nous voir en face, avec nos faiblesses et nos blessures. C'est à travers elles que nous pourrons nous approcher encore plus de Dieu.  Plongeons maintenant dans les profondeurs de notre âme. 




La spiritualité chrétienne serait-elle trop moralisatrice ? Nous empêcherait-elle d'accéder à une paix intérieure et de s'accepter soi-même ?

Oui, répondent bon nombre de nos contemporains qui se tournent vers des religions orientales.

Non, selon Anselm Grün, qui va nous démontrer que la foi chrétienne permet d'accéder, via ce qu'il nomme "spiritualité d'en bas", à l'harmonie avec soi, les autres, et Dieu.

I)
La "spiritualité d'en haut" est pétrie d'idéaux. Pour les atteindre, nous déployons notre énergie et notre force, et c'est très positif. Certaines personnes par contre vont jusqu'à refouler leur personnalité qui est trop éloignée de leurs objectifs. Un jour ou l'autre, nous arrivons ainsi à une limite qui nous prouve que nous ne pouvons pas atteindre Dieu par nos propres efforts.

II)
La spiritualité d'en bas, quant à elle, nous permet justement d'accéder à notre moi profond, fait de sentiments, de passions, de faiblesses. Cela n'implique pas seulement de se connaître soi-même, mais aussi et surtout de s'ouvrir à une relation personnelle avec Dieu. C'est ainsi qu'une prière véritable "jaillit des profondeurs de notre détresse". (p.9)

L'auteur cite de nombreux exemples bibliques et s'appuie notamment sur la vie de Pierre ou de Paul. Il montre aussi que cette spiritualité d'en bas est présente dans les traditions bénédictine et augustinienne. Il fait aussi référence aux contes populaires à la psychologie jungienne.

III)
Anselm Grün nous encourage à instaurer un véritable dialogue avec nos blessures, nos maladies et nos émotions, surtout celles que nous avons l'habitude de considérer comme négatives : la peur, la colère, la jalousie, le sentiment de solitude, la tristesse. Se regarder en face et prendre le temps d'écouter ses sensations peut nous conduire à comprendre le pourquoi de leur existence et à accéder à notre moi véritable. Les émotions doivent plutôt être considérées comme des signaux d'alarme qui nous montrent qu'un trésor enfoui se trouve encore en nous : une démarche de pardon peut être enclenchée, un manque d'amour peut être comblé,...


IV)
Pour l'auteur, la spiritualité d'en bas est la voie de l'humilité, non comme une vertu, mais comme une réconciliation avec notre 'humus', c'est à dire notre zone d'ombre et notre incapacité intrinsèque. C'est donc un chemin de maturation de la foi et de progrès vers Dieu.

C'est aussi une condition sine qua non pour vivre une expérience réelle avec Dieu : l'humilité nous empêche de nous identifier faussement à Lui. "La tension entre notre humanité, notre nature terrestre et le don de la grâce divine, qui nous pénètre et fait de nous le temple de Dieu, font partie de façon essentielle de la vie spirituelle".(p.115)  Ainsi, Dieu doit rester le Tout-Autre.

De plus, la fait d'être descendu dans les tréfonds de sa propre humanité nous permet de considérer  avec douceur, générosité et bienveillance les échecs et les imperfections de notre prochain. En cela, la spiritualité d'en bas nous rapproche de Dieu et des autres.



La conclusion de ce livre est un magnifique encouragement à trouver un équilibre entre spiritualité d'en haut (ou transcendantale) et spiritualié d'en bas (résiliente)

"La spiritualité transcendantale est comme la pierre qu'un homme mauvais a placée dans la ramure d'un jeune palmier pour l'endommager. Mais, quand, quelques années plus tard, il passe le voir, cet arbre est devenu le plus beau et le plus grand des palmiers. La pierre a forcé les racines à s'enfouir plus en profondeur. Assez souvent, il en va de même pour nos idéaux qui nous contraignent à creuser davantage nos racines. Mais celles-ci doivent être très vigoureuses pour qu'on ne sente pas trop la pierre.

Nous avons trop demandé à cette spiritualité. En un beau jour, elle nous lasse. Malgré tous nos beaux idéaux, nous sommes confrontés, en dépit de la grande discipline que nous nous imposons, à notre indiscipline et nos faiblesses. [...]Ainsi, il nous faut avoir le courage de percevoir la voix de Dieu dans notre propre coeur, dans nos passions, dans nos sentiments, dans nos rêves et dans notre corps, avec l'intention de lui obéir. Il faut nous libérer de ce corset trop étroit qui nous serre, afin que puisse s'épanouir l'image que Dieu s'est faite de nous. " (pp. 122-123)



Mon avis : Anselm Grün nous pousse dans nos retranchements et nous aide à réfléchir sur notre positionnement face à Dieu. Son ouvrage est riche d'enseignements et demande plusieurs lectures approfondies. Il aide à se remettre en question de manière saine, positive et constructive. 





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